Note de l’auteur
En l’espace de treize ans, de nombreux acteurs du procès de Marcus Caelius vont, comme le dit l’historien T. P. Wiseman, « mourir d’une mort spectaculaire » : Clodius, assassiné lors d’une bagarre avec les hommes de Milon (la populace furieuse brûla le Sénat le lendemain) ; Crassus, massacré avec ses vingt mille soldats lors d’une campagne désastreuse contre les Parthes ; Pompée, victime de la guerre civile ; Cicéron, victime de la paix. Les mesures judiciaires prises par la République pour empêcher les « violences politiques » furent sans effet, tout comme la tentative de Crassus, César et Pompée d’établir un triumvirat pour rétablir la paix. Et puis vint Auguste.
Le roi Ptolémée allait aussi mourir, laissant ses enfants (dont la célèbre Cléopâtre) se battre pour le contrôle de l’Égypte et lutter contre la domination romaine.
Il en fut de même pour Marcus Caelius qui changea de camp une fois de trop. Incapable de convaincre une garnison de soldats de se révolter contre César au cours de la guerre civile, il connut une mort violente qui mit un terme à ses ambitions. Sa correspondance colorée avec Cicéron a survécu et fait de lui le personnage chéri d’historiens comme Gaston Boissier (« Dans l’histoire que nous étudions, il n’y a pas de personnage plus curieux que Caelius ») et W. Warde Fowler qui appelait Caelius « le personnage le plus intéressant de son époque ».
Catulle fut le plus jeune de tous à mourir, en 54 avant notre ère, de causes inconnues. Il devait avoir la trentaine.
Que dire de Clodia ? Après le procès, elle disparut de la scène (même si je soupçonne que Gordien n’a pas cessé d’avoir de ses nouvelles). Nous la retrouvons, neuf ans plus tard, dans des lettres de Cicéron à son ami Atticus, qui paraît avoir été en bons termes avec elle. Cherchant à acheter une propriété pour profiter de sa retraite (« Un endroit pour vieillir », suppose Atticus, à quoi Cicéron répond : « Un endroit pour être enterré »), Cicéron demande à son ami d’aller voir les horti qui peuvent être en vente autour de Rome : « J’aime les horti de Clodia, dit Cicéron, mais je doute qu’ils soient en vente. » Quelques jours plus tard : « Tu parles de Clodia. Où est-elle actuellement ? Quand va-t-elle venir ? Je préfère son terrain à tout autre, à l’exception de ceux d’Otho. Mais je ne pense pas qu’elle vendra : elle aime l’endroit et a beaucoup d’argent. »
À ma connaissance, la dernière mention qui soit faite de Clodia apparaît dans une lettre du 15 avril 44 avant notre ère, dans laquelle Cicéron écrit encore à Atticus : Clodia quid egerit, scribas ad me velim (« Je voudrais que tu me dises ce que Clodia a fait »). Cicéron tentait-il d’éclaircir une rumeur ? Est-ce qu’il se renseignait au sujet de Clodia sans motif particulier ? Nous l’ignorons.
Je voudrais signaler certains des livres que j’ai trouvés au cours de ma recherche. D’abord l’ouvrage superbement annoté de T. P. Wiseman, Catullus and His World : A Reappraisal (Cambridge University Press, 1985), qui brosse un portrait vivant de Catulle et du milieu dans lequel il vivait.
Les études sur Catulle abondent, du vénérable Catullus and Horace de Tenney Frank (Henry Holt & Company, 1928) au Catullus, ouvrage moderne et intelligent de Charles Martin (Yale University Press, 1992). Il existe de nombreuses traductions de ses poèmes. L’édition Penguin de Peter Whigham est accessible dans tous les sens du terme. Les lecteurs qui connaissent un peu de latin s’intéresseront au recueil de Phyllis Young Forsyth, The Pœms of Catullus : A Teaching Text (University Press of America, 1986).
On peut trouver le plaidoyer célèbre de Cicéron en faveur de Marcus Caelius dans la traduction de Michael Grant, Selected Political Speeches de Cicéron (Penguin, 1969)[72].
Cybele & Attis : The Myth & the Cuit, de Maarten J. Vermaseren (Thames & Hudson, Londres, 1977) est une mine d’informations sur la Grande Mère et ses prêtres eunuques. Back From Exile : Six Speeches Upon His Return, traduit et annoté par D. R. Shackleton Bailey (American Philological Association, 1991), donne une image claire de la querelle ayant progressivement opposé Cicéron à Clodius. L’histoire mélodramatique d’Appius Claudius le décemvir et de la malheureuse Verginia se trouve dans le livre III de l’Histoire romaine de Tite-Live.
J’ai effectué une bonne partie de ma recherche à la bibliothèque Dœ de l’université de Californie à Berkeley et à la bibliothèque Perry-Casteneda de l’université du Texas à Austin.
J’adresse des remerciements particuliers à Brad Craft, qui m’a aidé à reconstituer l’environnement de Clodia et de ses amis en me procurant un exemplaire du Manual of Classical Erotology (De figuris Veneris, 1844) de Forberg ; à Penni Kimmel, pour ses commentaires sur le manuscrit ; à Terri Odom, pour avoir relu les épreuves ; à Barbara Saylor Rodgers qui m’a expliqué que, dans la réalité, les événements sont souvent reliés les uns aux autres de façon inattendue ; et à mes amis d’Austin, Gary Coody, et Anne et Deborah Odom, qui m’ont offert l’hospitalité pour que je me repose de mes travaux.
[1] Entre Sôter II (mort en 81) et Alexandre II, la veuve du défunt, Cléopâtre Bérénice, fut brièvement reine. (Toutes les notes sont du traducteur sauf mention contraire.)
[2] Bona Dea, déesse romaine de la Fertilité, dont le culte était exclusivement réservé aux femmes. Une fois par an, des cérémonies en son honneur se déroulaient au domicile du premier magistrat sous la conduite de sa femme aidée des vestales. Clodius y participa déguisé en femme.
[3] À l’époque du récit, le denier (pesant près de quatre grammes d’argent) est la monnaie la plus forte de Rome. Il vaut seize as (monnaie d’une once de bronze) ou quatre sesterces (monnaie pesant un peu moins d’un gramme d’argent). Faute de cuivre, l’as ne sera plus frappé à partir de Sylla (82-79). En 43, le sesterce est en bronze.
[4] The Venus Throw (Le Coup de Vénus), titre original américain d’Un Égyptien dans la ville, est une allusion au jeu de dés.
[5] Dans les parties de dés à Rome, le « coup de Vénus » était le plus beau et le « coup des chiens » le pire (quatre as).
[6] Traduction française de M. Paganelli, Les Belles Lettres, Paris, 1995.
[7] Mort, généralement violente ; meurtre. (N.d.A.)
[8] Vêtement typique des matrones romaines, comme la toge était celui des hommes. Cette longue robe à manches tombait jusqu’aux pieds.
[9] En latin, gallus, à ne pas confondre avec Gaulois.
[10] La célèbre bibliothèque d’Alexandrie qui brûla en 47 de notre ère à la suite d’un soulèvement chrétien, selon Plutarque. On dit qu’elle était la plus grande bibliothèque de l’Antiquité, abritant entre cent mille et sept cent mille volumes, selon les sources.
[11] École philosophique fondée à Athènes par Platon. Avec le temps, les enseignements s’étaient répandus et éloignés de ceux de son fondateur. Antiochus d’Ascalon fut scolarque de la cinquième Académie. Il compta Cicéron parmi ses auditeurs assidus.
[12] Un bois d’oliviers dédié au héros Académos, à l’ouest d’Athènes.
[13] Rhakotis pour les Grecs ou Rakotê pour les Égyptiens fut le nom originel d’Alexandrie. Ptolémée Ier l’utilisa comme nom avant sa proclamation comme pharaon. Ensuite, la population grecque d’Alexandrie continua de l’utiliser pour désigner un quartier de la ville.
[14] Aujourd’hui, Arezzo.
[15] En latin Baiae ; aujourd’hui, en français, Baies.
[16] Une des sept collines de Rome.
[17] Déesse du Destin et de la Chance.
[18] Ptolémée X Alexandre Ier, pharaon de 107 à 88 avant notre ère.
[19] Attale III, dernier souverain de la dynastie des Attalides (la quatrième dynastie des successeurs d’Alexandre le Grand, fondée par le général Philetairos), mort en 138 avant notre ère.
[20] C’est en 74 que la Bithynie (nord-ouest de l’Asie Mineure, aujourd’hui en Turquie) devint province romaine.
[21] Nicomède III.
[22] Cf. Du sang sur Rome, n. 2996.
[23] Cf. L’Étreinte de Némésis, n. 3064.
[24] Cf. L’Énigme de Catttina. n. 3099.
[25] Quartier populaire de Rome.
[26] Construite par le censeur Caius Fiaminius en 220 avant notre ère, la via Flaminia relie Rome à la mer Adriatique aux environs d’Ariminum.
[27] Porta Fontinalis, une des seize portes de la ville, sise plein est.
[28] Littéralement, « temple de la déesse Fortune ». Ville maritime d’Ombrie, aujourd’hui Fano.
[29] Le calame est une plume de roseau permettant d’écrire à l’encre sur les parchemins tandis que le stylet en métal grave les tablettes de cire.
[30] Après le 13 février. Les ides duraient du 8 au 15 inclus pour les mois de mars, mai, juillet et octobre ; du 6 au 13 inclus pour les autres mois.
[31] Tout citoyen romain pouvait être accusateur. Pour réussir, il n’y avait rien de tel que d’avoir été accusateur dans un grand procès.
[32] Ce procès eut lieu le 11 février 56.
[33] Titus Annius Milon, tribun en 57 avant notre ère et adversaire de Clodius.
[34] Délit, crime. (N.d.A.)
[35] Nom pluriel signifiant simplement « jardins », singulier hortus. Et, plus particulièrement « jardin de plaisance ».
[36] Célèbre famille patricienne dont les représentants les plus connus furent Scipion l’Africain (235-183 av. J.-C.), l’adversaire d’Hannibal (deuxième guerre punique), et Scipion Émilien (185-129 av. J.-C.), autre adversaire de Carthage (troisième guerre punique), puis adversaire des Gracques.
[37] Anciens tribuns de la plèbe (Tiberius Gracchus, assassiné en 133 av. J.-C., et son frère Caïus Gracchus, assassiné en 121 av. J.-C.) qui avaient entrepris de grandes réformes sociales.
[38] La déesse de la Vengeance et de la Justice divine.
[39] Autre colline de Rome.
[40] Les nones d’avril allaient du 2 au 5 avril.
[41] En l’honneur de Cybèle, la Grande Mère (Magna Mater). Instaurés en 204, les jeux duraient du 4 au 10 avril.
[42] En 205 av. J.-C. (au plus fort de la deuxième guerre punique), des pluies de pierres effrayèrent les Romains. Les Livres sibyllins (livres prophétiques rachetés, selon la légende, par le roi de Rome Tarquin le Superbe à la sibylle de Cumes) et un oracle de Delphes déclarèrent qu’il fallait aller chercher en Orient, à Pessinonte (en Phrygie), la pierre noire – un aérolithe, autrement dit une « pierre tombée du ciel » – qui était censée être le siège de Cybèle et symbolisait donc la déesse. La pierre arriva à Rome en 204 av. J.-C.
[43] Famille.
[44] Lucius Licinius Lucullus, qui avait été l’officier le plus fidèle de Sylla, était alors consul et commandait l’armée romaine contre le roi du Pont, Mithridate (en 74 av. J.-C.).
[45] Chaque année, la fête se tenait dans la maison du principal magistrat, sous la conduite de son épouse.
[46] De nos jours Marseille.
[47] Ville italienne sise dans la région du même nom, sur la mer Adriatique, au sud d’Ancône.
[48] Fête du solstice d’hiver, ancêtre de Noël, et fête la plus joyeuse de l’année. Déjà des cadeaux étaient échangés à celte occasion. C’était le seul jour où l’on pouvait s’adonner à des jeux de hasard. Les esclaves avaient congé et parfois ils étaient même servis par leur maître – ce qui s’effectuait dans une perspective d’inversion des valeurs. Ce jour-là le temps bascule, le soleil remonte et la nouvelle année arrive.
[49] C’était sans doute l’heure du prandium, léger repas de midi. Le principal repas de la journée était la cena, après le travail, vers la fin de l’après-midi. Certains prenaient un souper tardif, dans la soirée.
[50] Littéralement, le « marché aux bœufs »
[51] Les Sabins : peuple vivant à l’emplacement de Rome, lorsque les premiers Latins légendaires arrivèrent pour fonder la ville. Les trois rois légendaires de Rome ayant immédiatement succédé à Romulus – le fondateur – étaient des Sabins.
[52] Fantômes terrifiants, souvent des esprits d’ancêtres qui reviennent tourmenter les vivants.
[53] Thermes cités dans le discours de Cicéron Pour Caelius (61-62, qui évoque précisément cet épisode), mais dont remplacement est aujourd’hui inconnu.
[54] Lieu d’où les prêtres-augures observaient le vol des oiseaux pour interpréter les présages.
[55] Falaise du haut de laquelle on précipitait les condamnés à mort pour haute trahison.
[56] En latin. Bellona, déesse romaine de la Guerre (bellum). Dans ce temple construit hors du pomerium (l’enceinte sacrée de la ville), on recevait les ambassadeurs étrangers jugés indésirables en ville.
Il s’y trouvait un pilier – la colonne de la Guerre – symbolisant la frontière de l’empire. Au moment d’une déclaration de guerre, un prêtre du collège des féciaux (chargés des relations internationales) lançait un javelot par-dessus cette colonne.
[57] En 296 avant notre ère.
[58] Autre colline de Rome.
[59] Pour chauffer les bassins, de grands feux étaient entretenus dans une salle attenante. L’air chaud était propulsé dans un système de canalisations courant sous le bâtiment.
[60] En latin, pyxis signifie « boîte » : du grec pvxis (littéralement « boîte de buis »), devenu buxita en latin vulgaire (Xe siècle), puis boiste (ancien français du XIIe siècle).
[61] Nox : Déesse de la Nuit, sœur d’Éros. Obscurité, ténèbres. (N.d.A.)
[62] Quindecemviri. Au Ier siècle, Sylla fixa à quinze le nombre de prêtres chargés d’interpréter les Livres sibyllins. À l’époque d’Hannibal et des guerres puniques, ils n’étaient que dix (Decemviri). Ce collège fut également chargé par Sylla de la surveillance des cultes étrangers.
[63] Les édiles avaient en charge l’administration municipale.
[64] Selon Homère, séjour des dieux qui s’intéressaient à l’affrontement Achéens-Troyens, pendant la guerre de Troie.
[65] Venant de l’île de Samos, dans la mer Égée.
[66] Aujourd’hui Cadix, en grec ancien Gadera
[67] Euripide, dans Médée.
[68] Quart d’as (l’as étant la monnaie romaine en bronze, donc celle qui avait le moins de valeur).
[69] Bassin de construction des bateaux, arsenal.
[70] Nœud, lien. (N.d.A.)
[71] Cf. note 1 p. 105. Le nom est devenu nom commun pour désigner l’instrument d’une vengeance.
[72] Le lecteur français pourra lire la traduction du discours : Pour Caelius, de Jean Cousin (Les Belles Lettres, Paris, 1962).